Le côté (pas très) glamour du recouvrement
Si vous travaillez dans le recouvrement de créances, vous en avez forcément déjà fait l’expérience :
Vous êtes à une soirée, vous rencontrez de nouvelles personnes, puis vient la question fatidique, celle que tout bon français vous pose après vous avoir demandé votre prénom :
« Et toi, tu bosses dans quoi ? »
Et là, vous réalisez que vous n’êtes ni pompier, ni astronaute, ni comédien dans Plus Belle La Vie.
Non, votre métier n’est pas très fun, du moins en apparence, et vous savez pertinemment qu’en annonçant la couleur à votre interlocuteur, qui en est à son 5ème Ricard, vous allez plomber l’ambiance, voire créer un malaise dans la discussion.
« Je suis chargé de recouvrement ».
Vous le savez, il y a peu de chances pour que votre réponse suscite l’une des réactions suivantes :
« Wahouuuu ! Génial ! Tu dois t’éclater dans ton métier. Quelle chance ! »
« Ça doit être passionnant. C’est le job dont je rêvais quand j’étais enfant. Malheureusement, j’ai fini footballeur professionnel. »
Et si vous êtes un homme et que vous êtes en pleine phase de séduction avec une femme que vous venez de rencontrer, l’expression « recouvrement de créances », quand elle sort de votre bouche, vous fait perdre en un centième de seconde les points que vous aviez accumulés grâce à votre humour et votre chemise blanche cintrée déboutonnée à la BHL.

C’est injuste !
Dans 90 % des cas, les gens à qui j’avouais que j’étais chargé de recouvrement (oui, reconnaître que l’on bosse dans le recouvrement, c’est comme passer aux aveux après un interrogatoire musclé dans un commissariat ripou de Tijuana) réagissaient toujours de la même façon :
« Ah… c’est toi qui harcèles les gens qui n’ont plus d’argent ? T’es une sorte d’huissier, en fait ? »
Sous-entendu :
« T’es une pourriture, en fait ? »
Et là, l’expression de mon interlocuteur changeait. Sa bonne humeur et son empathie laissaient leur place à un mélange de compassion et de mépris (voire de haine étouffée).
Je lui aurais dit que je faisais des expériences scientifiques sur les chimpanzés et les dauphins ou que j’étais recherché par Interpol pour génocide, sa réaction aurait été la même.
« Merde, j’ai niqué l’ambiance ! Pourquoi je ne lui ai pas dit que j’étais guitariste ou steward ? »
Moment de solitude.

Chargé de recouvrement : un métier mystérieux
Puis il y a ceux qui n’ont aucune idée de ce que vous leur racontez et qui confondent les verbes recouvrir et recouvrer (ou ignore tout simplement l’existence du second) :
« Tu bosses sur les toits ? »
Une fois, alors que nous étions en plein hiver alsacien, un type a enchaîné :
« C’est pas trop dur en ce moment, avec le froid qu’il fait ? »
Du coup, j’avais pris l’habitude d’anticiper, presque de me justifier. Et à chaque fois que j’avouais ma profession, je me hâtais de compléter par cette petite précision :
« … mais je ne relance pas les particuliers et les familles surendettées. Non, je bosse avec des professionnels, des grosses boîtes. Ils ont du fric, crois-moi ! La plupart du temps, ce n’est pas qu’ils ne peuvent pas payer, c’est qu’ils ne veulent pas. Nuance ! »
Et je rebondissais sur un autre sujet…
La seule fois où je suis tombé sur une fille compatissante, c’est parce qu’elle était huissier de justice.
Elle me comprenait. Nous nous comprenions. Nous en avions les larmes aux yeux.
Nous étions tous deux victimes de Jobophobie, le vrai mal de ce siècle.
Bref, je suis chargé de recouvrement.
Et vous, avez-vous déjà vécu ce genre de situation à cause de votre métier ?
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